Femmes et Retraite : Une réforme pour que cessent les inégalités de pension

10 septembre 2013

L’égalité est un enjeu majeur de la société : le gouvernement ne peut se contenter d’afficher une démarche sur l’égalité professionnelle femmes-hommes, et de communiquer sur une réforme des retraites plus juste. Il doit s’engager sur des bases autres que celles des réformes des retraites précédentes.

Le Président de la République a été élu sur la base d’un changement de cap avec un meilleur partage des richesses et pour une société plus égalitaire.

La retraite est le miroir grossissant des inégalités subies par les femmes tout au long de leur vie : bas salaires, qualifications non reconnues, temps partiel imposé, chômage, carrière plus courtes, non prise en compte de la pénibilité des métiers à prédominance féminine, effets de la maternité, et responsabilités familiales…

Le salaire moyen des femmes, en 2009, représente 27 % de moins que celui des hommes (cette proportion reste pratiquement la même depuis 20 ans !) et leur pension moyenne de droit direct est inférieure à 58 % à celle des hommes (932 euros contre 1603 euros en 2011). Les femmes constituent 82 % des salarié-e-s à temps partiel. Elles sont majoritaires parmi les pauvres, surtout âgé-e-s : au-delà de 65 ans, 66 % des pauvres sont des femmes.

La question de la retraite des femmes ne peut pas être réduite à une question « spécifique ». Une réforme juste, une réforme qui assure un niveau de pension suffisant pour toutes et tous, doit se baser sur la situation des femmes et faire de l’égalité femmes/hommes le fil directeur.

Les principales réformes mises en œuvre en 1993, 2003, 2008 et 2010, qui ont notamment allongé la durée de cotisation et la période de carrière prise en compte pour le calcul de la pension, ont eu pour effet d’accentuer les inégalités entre les femmes et les hommes. Hélas, les nouvelles mesures proposées pour 2013 sont loin de répondre à cet objectif d’égalité, pourtant affichées.

Des mesures du gouvernement qui vont aggraver les inégalités

1- Les mesures spécifiques sont insuffisantes pour rattraper les inégalités

Le gouvernement a déclaré vouloir « rendre notre système plus juste pour les femmes ». Est-ce le cas ?

Les trimestres d’interruption pour maternité sont mieux pris en compte pour les départs à 60 ans (« carrières longues »). Le décret de juillet 2012 n’avait prévu de valider que deux trimestres au titre de la maternité (mais 4 pour le service militaire !) ; désormais, tous les trimestres de congé maternité sont validés. Ce qui n’est que justice ! Rappelons que les bénéficiaires de ce dispositif de départ anticipé restent à 79 % des hommes…

Pour les « petits » temps partiels, un trimestre sera validé à partir de 150 heures au Smic au lieu de 200 heures. Cela ne concerne que les 4,4 % de femmes travaillant moins de 15 heures hebdomadaires, à partir de 2014 et sans effet rétroactif. Cela risque de baisser les pensions en faisant baisser le montant des salaires portés au compte.

Le gouvernement prétend « refondre les majorations de pension pour enfant ». Aujourd’hui, les parents de 3 enfants – pères et mères – voient leur pension majorée de 10 %. Mathématiquement, cela bénéficie davantage aux salaires élevés (et donc plutôt aux hommes). Une refonte est annoncée mais seulement pour 2020 en vue de « bénéficier davantage aux femmes », mais on ne sait pas comment…. La seule mesure actuelle consiste à fiscaliser cette majoration pour tous, y compris pour les revenus modestes.

Le gouvernement annonce une « Amélioration du minimum contributif ». Sachant que 70 % des presque 5 millions de retraité-e-s qui perçoivent le minimum contributif sont des femmes, une augmentation aurait été bienvenue. En réalité, le gouvernement se contente de relever le seuil d’ « écrêtement » de ce minimum, qui passera de 1028€ à 1120€ pour une carrière complète à compter du 1er janvier 2014.

2- Les mesures générales pénaliseront d’abord les femmes

Par ailleurs, certaines mesures générales auront, une fois de plus, des conséquences plus fortes sur les femmes, en particulier :

L’allongement de la durée de cotisation (jusqu’à 43 ans en 2035 pour la génération 1973) touchera plus particulièrement les femmes aux carrières incomplètes et/ou interrompues, et qui sont les plus nombreuses au chômage ou à temps partiel…Les femmes parties à la retraite en 2012 ont validé en moyenne 35,25 annuités, contre 37,71 pour les hommes et 60 % des femmes valident une carrière complète contre 77 % des hommes. C’est pourquoi d’ailleurs elles partent en moyenne plus tard à la retraite que les hommes. Elles devront donc travailler plus longtemps encore ou avoir des pensions diminuées. Cette mesure est particulièrement néfaste pour la jeunesse qui commence à cotiser de plus en plus tard et voit partir en fumée le mirage d’une pension à taux plein.

« Le gouvernement exclut la baisse ou le gel de la revalorisation des pensions », mais il reporte la revalorisation d’avril à octobre. Il s’agit d’une désindexation masquée qui sera plus durement ressentie pour les petites pensions, des femmes en majorité (par exemple 144€ en moins par an pour une pension de 1200€ mensuels).

Pérenniser le système solidaire de retraite par répartition nécessite de réparer les injustices dues aux précédentes réformes. Il faut sortir des logiques qui ont diminué le niveau des pensions et créé des inégalités notamment entre les femmes et les hommes.

Les propositions de la CGT pour assurer aux femmes une pension décente :

1- Lutter contre les inégalités à la source

En premier lieu, il faut s’attaquer à la source des inégalités en matière de retraite :

Agir sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment :

remettre à plat les grilles de classifications pour garantir la reconnaissance salariale des métiers à prédominance féminine, lutter contre les stéréotypes pour permettre une réelle mixité des métiers, assurer un déroulement de carrière identique à celle des hommes, permettre d’articuler parentalité et vie professionnelle, en développant considérablement l’accueil des jeunes enfants et en rendant obligatoire la scolarité dès 3 ans. Augmenter le point d’indice des fonctionnaires, qui sont à 63 % des femmes

Lutter contre la précarité des salariées

80 % des emplois à temps partiel sont occupés par les femmes, 4,5 millions vivent sous le seuil de pauvreté. Il est indispensable de prévoir des dispositions légales pour mettre fin au temps partiel subi. Certes, valider un trimestre dès 150 heures est un plus, mais cela ne suffit pas à améliorer le niveau de pension. L’instauration d’une sur-cotisation patronale sur l’emploi à temps partiel équivalente à celle sur un temps plein permettrait d’améliorer le niveau de ces pensions et de dissuader de son recours systématique.

Augmenter les salaires, dans le privé comme dans le public, et le taux d’activité des femmes est également un moyen d’améliorer le financement des retraites. Une étude demandée par la CGT à la CNAV montre que réaliser l’égalité salariale apporterait 10 milliards de ressources supplémentaires en 2020.

2- Adopter des mesures pour corriger les inégalités dans le calcul des retraites

Une réforme des retraites juste suppose :

De garantir dès 60 ans une retraite à taux plein pour une carrière complète : Il faut cesser avec la règle d’un allongement de la durée de cotisation quand l’espérance de vie augmente.

Supprimer la décote qui défavorise d’abord les femmes Les femmes subissent une décote plus forte que les hommes, correspondant à 12 trimestres manquant en moyenne, contre 9 trimestres pour les hommes. Globalement les femmes ont déjà des pensions assez faibles en moyenne, elles se trouvent souvent obligées d’attendre l’âge du taux plein, pour éviter cet abattement, elles partent ainsi en retraite en moyenne plus tard que les hommes (en 2008, l’âge moyen des femmes est supérieur de1,4 an à celui des hommes).

Depuis 2010, le recul de la borne d’âge de 65 ans à 67 ans pour bénéficier du taux plein pénalise plus les femmes. Le gouvernement actuel n’a malheureusement pas envisagé de revenir sur cette mesure.

Rappelons que les femmes partent en retraite plus tard que les hommes : 30 % d’entre elles, contre 5 % des hommes, devaient attendre 65 ans, dans des conditions souvent très précaires, pour pouvoir liquider leur retraite sans décote. Et elles demeurent malgré tout moitié moins nombreuses qu’eux à pouvoir accéder à une retraite complète. Maintenant elles devront attendre deux ans de plus.

Prendre en compte les années de formation et de chômage pour valider des trimestres Les périodes de chômage non indemnisé devraient être mieux prises en compte. Les femmes sont désormais majoritaires parmi les diplômés du supérieur, la prise en compte des années d’études est donc aussi un levier pour favoriser l’égalité femmes hommes. Le tarif « préférentiel » de rachat des périodes d’études proposé par le gouvernement est totalement insuffisant : il revient à faire payer environ 7000€ par année, montant impossible à réunir pour la majorité des trentenaires qui peinent déjà à rembourser leurs études et à s’installer en famille. Le rachat limité à 4 trimestres, est très insuffisant au regard de l’allongement des durées d’études.

La réforme de 2010 a prévu d’intégrer les périodes de maternité pour la détermination du salaire servant de base pour le calcul de la pension mais seulement pour les naissances à venir. Cette mesure doit être rétroactive et concerner toutes les mères.

Revaloriser les minima des pensions pour lutter contre la pauvreté des retraité-es : aucune retraite ne doit être inférieure au SMIC. Ce sont les femmes qui touchent le plus souvent : *le minimum contributif pour le secteur privé : fin décembre 2011, 4,9 millions de retraité-es du régime général perçoivent le minimum contributif, dont 70 % de femmes.

*et le minimum garanti pour le Public : 52,3 % des femmes retraitées et 32,6 % des hommes retraités perçoivent le minimum.

Nous ne pouvons pas accepter qu’aujourd’hui 700 000 femmes de plus de 65 ans vivent sous le seuil de pauvreté en France. Le taux de pauvreté est passé de 8,5 % en 2004 à 10 % en 2010, le rapport Moreau précise que le taux de pauvreté est en nette augmentation chez les plus de 75 ans : « Au sein de cette population, les femmes isolées (notamment les veuves) sont surreprésentées ».

La réforme de 2010 a rendu le minimum garanti dans la Fonction publique inatteignable pour beaucoup de femmes sauf à travailler jusqu’à 67 ans : il devient ni minimum ni garanti.

Revenir aux 10 meilleures années pour déterminer le salaire moyen pris en compte dans le calcul de la pension dans le secteur privé. En 1993, dans la réforme Balladur le passage des 10 aux 25 meilleures années de carrière dans le secteur privé pour déterminer le salaire annuel moyen pris en compte dans le calcul de la pension, a fortement pénalisé les carrières irrégulières et courtes, donc les femmes. Il a eu pour conséquence une baisse immédiate de la pension au moment du départ en retraite, baisse d’autant plus importante que la carrière est courte, car en sélectionnant un plus grand nombre d’années, cela oblige à « piocher » davantage dans le lot des années avec de plus faibles salaires, du temps partiel, chômage…

Rétablissement de l’indexation de la pension et des salaires portés au compte sur le salaire moyen L’indexation des salaires (pris en compte dans le calcul de la pension) sur les prix et non plus sur les salaires a pour conséquence au moment du départ en retraite de faire baisser la pension ainsi que le taux de remplacement. Cette règle d’indexation sur les prix a également été mise en œuvre pour la revalorisation des pensions : l’évolution des pensions ne suit donc plus celle des salaires.

Mieux reconnaître la pénibilité du travail des femmes avec un départ anticipé pour les travaux pénibles Le gouvernement propose un « compte personnel de prévention de la pénibilité » qui va dans le bon sens mais est insuffisant : une personne exposée 25 ans bénéficierait de 8 trimestres validés (et partirait donc à 60 ans…). Les critères retenus suite à la négociation de 2008 ne tiennent pas suffisamment compte de la pénibilité des emplois à prédominance féminine (notamment sur les risques organisationnels). Il y a un déni de la pénibilité du travail des femmes, avec des statistiques sexuées rarement produites et encore moins diffusées. La Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) observe que le nombre d’accidents du travail a diminué depuis 10 ans, avec une diminution de – 21 % pour les hommes, mais ceux des femmes ont augmenté de + 23,4 %, même s’ils ne représentent encore qu’un tiers du volume total. Le gouvernement Sarkozy a supprimé la reconnaissance de la pénibilité à un métier à prédominance féminine : les infirmières hospitalières dans le cadre d’un odieux chantage : un tout petit peu plus de salaire contre la perte du départ anticipé. Pourtant les infirmières travaillent toujours de nuit, en horaires postés… Il est important de rétablir ce droit et de l’étendre aux salarié-e-s du privé. Il y a donc un enjeu majeur à veiller à ce que la réflexion sur la pénibilité n’oublie pas celle qui caractérise les métiers à prédominance féminine.

Amélioration des droits familiaux Tant que les retraites des femmes seront inférieures à celles des hommes, les droits familiaux, doivent être améliorés pour permettre un réel rattrapage des retraites des femmes. Pourtant ces droits ont subi des attaques à travers les dernières réformes.

La Majoration de Durée d’Assurance (MDA) pour enfant est un dispositif important dans le secteur privé pour les mères qui n’ont pas de carrière complète. Sa suppression engendrerait une diminution de 17 % de la masse des retraites des femmes. La MDA a été « rabotée » en 2009 dans le PLFSS, et la mobilisation entre autres de la CGT sur ce sujet a permis de limiter l’attaque importante programmée par le gouvernement. À partir de 2010, les mères bénéficient d’une année de majoration par enfant (majoration maternelle), au lieu de deux auparavant. L’attribution de la seconde année, dite (majoration d’éducation), peut aller, au choix du couple, au père ou à la mère. Nous demandons le rétablissement de la MDA en totalité pour les femmes.

Revenir à un an de bonification par enfant dans la Fonction publique La réforme de 2003 a supprimé la bonification de un an cotisé par enfant, elle a été remplacée par une MDA de 6 mois qui ne compte que pour réduire la décote, mais n’apporte rien en trimestres validés à la différence du secteur privé, où la MDA compte pour les deux. C’est une régression importante pour la plupart des mères.

La bonification de pension de 10 % qui doit être refondue devrait être accordée dès le premier enfant, et de façon plus juste. Ce dispositif doit évoluer pour tenir compte des évolutions de la composition des familles (beaucoup de familles monoparentales et moins de familles nombreuses).

Un droit au temps partiel bonifié doit être instauré pour la prise en charge des enfants handicapés, et des personnes âgées en perte d’autonomie qui sont quasi exclusivement assumés par les femmes.

Pension de réversion En 2008, elle représentait environ 25 % de l’ensemble des pensions des femmes de plus de 65 ans, contre 1 % pour les hommes. La pension de réversion doit être reconnue sans condition de ressources et élargie à toutes les formes de conjugalités.

L’égalité est un enjeu majeur de la société : le gouvernement ne peut se contenter d’afficher une démarche sur l’égalité professionnelle femmes-hommes, et de communiquer sur une réforme des retraites plus juste. Il doit s’engager sur des bases autres que celles des réformes des retraites précédentes.

Le Président de la République a été élu sur la base d’un changement de cap avec un meilleur partage des richesses et pour une société plus égalitaire.

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